Si Didier Raoult a dû passer la main, en septembre 2022, à la direction de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, le médecin et microbiologiste n’en reste pas moins actif sur le front des publications scientifiques. En témoigne un manuscrit, non relu par les pairs – c’est-à-dire encore non validé pour publication dans une revue scientifique – mis en ligne le 4 avril. Portant sur 30 423 patients atteints de Covid-19 pris en charge dans son institut entre le 2 mars 2020 et le 31 décembre 2021, ce « preprint » décrit l’efficacité en termes de baisse de la mortalité du traitement combinant hydroxychloroquine (HCQ) et azithromycine (AZ), le fameux « protocole Raoult ».
Sans surprise, cette nouvelle étude suscite, de la part d’experts, des critiques méthodologiques. Elle fait aussi l’objet d’accusations plus graves, portées dans une tribune signée par de nombreuses sociétés savantes et des personnalités telles que le président de l’Académie des sciences, Alain Fischer. Publié dans Le Monde, ce texte s’attache à la nature même de l’étude, et à son statut réglementaire. Pour les signataires, ces travaux constituent « vraisemblablement le plus grand essai thérapeutique “sauvage” connu à ce jour », ces prescriptions ayant en outre été poursuivies « pendant plus d’un an après la démonstration formelle de leur inefficacité ».
En quoi a donc consisté cette étude ? Dans un tweet publié le 25 avril, Didier Raoult résumait ainsi les résultats : « Etude des 30 000 cas de Covid 2020-2021, efficacité de l’hydroxychloroquine et du vaccin pour éviter la mort ! ». Il évoque aussi ces observations dans son livre Autobiographie, publié début avril (Michel Lafon, 336 pages, 18,95 euros) : « La combinaison hydroxychloroquine/azithromycine est associée à une mortalité au moins cinq fois inférieure à celle des autres thérapeutiques. »
L’étude en question s’inscrit en fait dans une lignée de publications par l’IHU marseillais à la méthodologie discutable. Pour rappel, Didier Raoult a très tôt manifesté son enthousiasme pour la chloroquine puis l’hydroxychloroquine, des molécules utilisées contre le paludisme pour la première, et le lupus ou diverses indications rhumatologiques pour la seconde. Des « repositionnements » de la chloroquine avaient déjà été tentés, sans succès, contre les virus Ebola, de la dengue ou du chikungunya. Le 25 février 2020, dans une vidéo intitulée « Coronavirus : fin de partie ! », le microbiologiste estimait, à la lecture d’une étude chinoise très lacunaire, que, grâce à cette molécule, le Covid-19 était « probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter ».
Il vous reste 85.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.