La révélation d’un chant envoûtant conduisant à une prise de conscience collective. C’est ce qu’a permis Roger Payne, le bioacousticien américain ayant découvert le chant des baleines à bosse. Il est décédé le 10 juin 2023 à 88 ans.
Un article pionnier publié dans Science en 1971
Roger Payne obtient en 1961 un doctorat à l’Université de Cornell (Etats-Unis). S’il étudie tout d’abord l’ouïe des chauves-souris, des hiboux et des insectes, il se tourne finalement vers l’écoute des baleines. “A la fin des années 60, les deux chercheurs américains Roger Payne et Scott McVay, accompagnés leurs femmes respectives, travaillent sur des enregistrements sonores de la US Navy qui contiennent des émissions sonores de baleines à bosse, raconte à Sciences et Avenir le bioacousticien Olivier Adam (Sorbonne Université). Et ils font une découverte majeure : ces vocalisations sont organisées dans le temps, sous forme de phrases, et ces phrases se répètent, créant ainsi des chants“.
D’un point de vue scientifique, la découverte est colossale. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une publication scientifique de référence le 13 août 1971 dans la prestigieuse revue Science. “Les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) produisent une série de sons beaux et variés pendant une période de 7 à 30 minutes puis répètent la même série avec une précision considérable. Nous appelons une telle performance ‘chanter’ et chaque série répétée de sons une ‘chanson’“, écrivent Roger Payne et Scott McVay. Le mot était écrit, l’expression validée : les baleines chantent.
La révélation d’un chant envoûtant conduisant à une prise de conscience collective. C’est ce qu’a permis Roger Payne, le bioacousticien américain ayant découvert le chant des baleines à bosse. Il est décédé le 10 juin 2023 à 88 ans.
Un article pionnier publié dans Science en 1971
Roger Payne obtient en 1961 un doctorat à l’Université de Cornell (Etats-Unis). S’il étudie tout d’abord l’ouïe des chauves-souris, des hiboux et des insectes, il se tourne finalement vers l’écoute des baleines. “A la fin des années 60, les deux chercheurs américains Roger Payne et Scott McVay, accompagnés leurs femmes respectives, travaillent sur des enregistrements sonores de la US Navy qui contiennent des émissions sonores de baleines à bosse, raconte à Sciences et Avenir le bioacousticien Olivier Adam (Sorbonne Université). Et ils font une découverte majeure : ces vocalisations sont organisées dans le temps, sous forme de phrases, et ces phrases se répètent, créant ainsi des chants“.
D’un point de vue scientifique, la découverte est colossale. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une publication scientifique de référence le 13 août 1971 dans la prestigieuse revue Science. “Les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) produisent une série de sons beaux et variés pendant une période de 7 à 30 minutes puis répètent la même série avec une précision considérable. Nous appelons une telle performance ‘chanter’ et chaque série répétée de sons une ‘chanson’“, écrivent Roger Payne et Scott McVay. Le mot était écrit, l’expression validée : les baleines chantent.
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“Ces sons touchaient profondément les gens“
Selon Olivier Adam, l’article paru dans Science a représenté le véritable “top départ” de la bioacoustique sous-marine. Mais l’écoute de cette mélodie dépasse la seule contribution scientifique. Les couples Payne et McVay sont totalement émerveillés par ce qu’ils entendent. “Car à une époque où l’on chassait industriellement les cétacés, personne ne soupçonnait une telle beauté lyrique dans les océans, et ces enregistrements ont contribué activement à la mise en place d’un moratoire, explique le Pr Adam. Ils ont aussi motivé des carrières scientifiques, inspiré des artistes, ému le grand public“. Lui-même a vu des gens pleurer à l’écoute de ses sons, alors qu’il plongeait dans l’eau un hydrophone au large de Madagascar et que la puissance de la mélodie emplissait le navire.
Conscient de leur effet, Roger Payne se sert de ces chants pour alerter le public sur le sort de ces incroyables mammifères. En 1970, il produit l’album “Songs of the Humpback Whale”, soit “Chant de la baleine à bosse”. C’est un succès. Il expliquera en 2021, dans une interview accordée au magazine Nautilus Quarterly : “Malgré le vacarme (il se trouvait dans la salle des machines d’un navire, ndlr), ce que j’ai entendu m’a bouleversé. Il semblait évident qu’il s’agissait enfin d’une chance d’intéresser le monde à la prévention de l’extinction des baleines“. Roger Payne a aussi expliqué les avoir fait écouter à des amis ou en petit comité. “Et il est vite devenu très clair que ces sons touchaient profondément les gens“, a-t-il remarqué. Le mouvement pour la protection de ces cétacés sera largement porté par ces mélopées. Son travail contribuera à l’adoption, en 1972, du Marine Mammal Protection Act et en 1982, du moratoire sur la chasse commerciale à la baleine, par la Commission baleinière internationale.
“Depuis les années 70, ces chants ont fait le tour du monde. Ils sont même partis dans l’espace avec le programme ‘Voyager’ de la Nasa ! (les sondes Voyager transportent des disques à destination des extraterrestres. Figurent notamment dessus, des chants de baleines, ndlr). De nouvelles connaissances ont permis de préciser leur rôle, leur évolution et leur transmission culturelle au sein des populations. Ces nouvelles informations permettent de mieux connaitre les cétacés et de mieux les protéger“, se félicite Olivier Adam.
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En parallèle des études qu’il a menées (il aura dirigé plus de 100 expéditions océaniques et étudié de nombres espèces de baleines), Roger Payne a aussi fondé l’organisation de recherche Ocean Alliance en 1971 pour contribuer à la protection des baleines et des dauphins. En octobre 2021, il annonçait sur son site qu’il quittait ses fonctions. Il écrivait alors : “Le véritable défi ici est de faire en sorte que le monde tombe si profondément amoureux de la nature que nous ne tolérerons plus la destruction de la création, et risquerons nos carrières et nos vies pour sauver tout le plancton, les mousses, fougères, arbres, fleurs, méduses, crinoïdes, nautiloïdes, crabes, abeilles, papillons, coléoptères, calmars, poissons, grenouilles, tortues, oiseaux et mammifères – en d’autres termes, nous nous battrons pour sauver tous les ‘autres’ non humains“.
La science a évidemment un rôle prépondérant dans ce défi, notamment auprès des océans. “Les conserver doit être un objectif prioritaire aujourd’hui dans un contexte d’accroissement des activités humaines en mer et pour s’assurer des océans durables, remarque Olivier Adam. Et Roger Payne est la preuve que la science apporte de nouvelles connaissances et que certaines permettent vraiment de les protéger“.