Le 4 mars, les autorités sanitaires britanniques ont annoncé leur projet de criminaliser la possession et l’usage de protoxyde d’azote (N2O) comme gaz hilarant. Cette décision va à l’encontre des recommandations du groupe d’experts qui avait, un mois plus tôt, réfuté le recours à la prohibition dans un éditorial du British Medical Journal. En France, la vente aux mineurs est interdite depuis 2021 et la consommation sur la voie publique est interdite dans plusieurs métropoles.
Le protoxyde d’azote a été découvert et synthétisé au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne. Les premières « proto parties » datent de 1799, quand la bonne société anglaise inhalait ce gaz pour ses effets hilarants et désinhibants. Il est devenu, cinquante ans plus tard, un produit antalgique utilisé avec l’éther pour les premières anesthésies générales.
C’est un gaz naturel émis majoritairement par la décomposition des sols, les engrais azotés, les océans, les déjections animales ; il est aussi produit industriellement pour la fabrication, entre autres, du gaz propulseur destiné aux siphons de crème chantilly. C’est ce dernier usage qui fait l’objet d’un détournement récréatif, grâce à de petites cartouches de N2O pur transféré dans un ballon, puis inhalé.
Sa consommation est en pleine expansion pour plusieurs raisons : sa disponibilité en vente libre en magasin et sur Internet, son coût réduit et l’arrivée sur le marché de bonbonnes contenant l’équivalent de 80 cartouches (640 grammes). Cet usage détourné de gaz pur peut entraîner des effets indésirables graves, notamment neurologiques, majoritairement réversibles après supplémentation de vitamine B12. Ils concernent uniquement les rares mésusages avec consommation massive et prolongée de N2O (de l’ordre de 10 cartouches de 8 grammes par jour, pendant plusieurs semaines).
Pourtant, le protoxyde d’azote mélangé avec de l’oxygène, le Meopa, a révolutionné, en France, la prise en charge des soins douloureux. Tout a débuté en 1992, quand nous avons présenté à l’Unesco les premières vidéos montrant les effets bénéfiques du Meopa sur les enfants leucémiques de l’hôpital Trousseau (Paris). Pour beaucoup d’équipes, ce fut un véritable choc de voir pour la première fois des ponctions lombaires, des prélèvements de moelle effectués sur des enfants souriants, en présence des parents et, surtout, sans contention physique.
En moins de cinq ans, la majorité des services d’oncohématologie pédiatrique adoptèrent cette méthode. La France est ainsi devenue l’un des pays leaders concernant l’utilisation du Meopa. Tous les services pédiatriques ainsi que les urgences en disposant dorénavant et l’utilisant quotidiennement, les adultes et les personnes âgées peuvent aussi en bénéficier.
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