A la naissance, le premier contact du bébé avec le monde extérieur lui fournit une exposition microbienne initiale. Elle est déterminante dans la constitution du microbiote intestinal de l’enfant, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes comme les bactéries par exemple, qui le constitue.
“Les nourrissons mis au monde par voie vaginale ne sont ainsi pas exposés aux mêmes micro-organismes que ceux nés par césarienne”, souligne Lepeng Zhou, première autrice de l’étude, pour Sciences et Avenir. Par voie basse, les nouveau-nés sont mis en contact avec des communautés bactériennes ressemblant au microbiote vaginal de leur mère, dont Lactobacillus, Escherichia et Bacteroides.
En revanche, les nourrissons mis au monde par césarienne hébergent des bactéries semblables à celles que l’on trouve à la surface de la peau maternelle et dans la salle d’accouchement. Ce sont essentiellement Staphylococcus, Enterococcus et Klebsiella. Cette différence tend à disparaître avec l’âge. Toutefois, les chercheurs pensent que le microbiote intestinal précoce est associé au développement du système immunitaire du nourrisson. Ils suggèrent ainsi que ce microbiote pourrait notamment influer sur le risque de développer une maladie, comme le diabète par exemple, au cours de la vie de l’individu.
Une cohorte de 101 nourrissons
Pour comprendre les effets de l’ensemencement vaginal, les chercheurs ont suivi la naissance de 68 bébés nés par césarienne. Parmi eux, 32 ont été frictionnés à l’aide d’une gaze imbibée des fluides vaginaux de la mère, testée préalablement aux infections sexuellement transmissibles. Les 36 autres nourrissons ont été soumis à une pratique similaire en utilisant une gaze imbibée de sérum physiologique stérile.
Un groupe de référence de 33 enfants nés par voie vaginale a également été inclus dans l’étude. “Ensuite, pour apprécier le développement neurologique des nourrissons, nous avons utilisé des questionnaires qui évaluent leur capacité à émettre des sons simples et à ramper, entre autres étapes du développement, à 3 et 6 mois”, explique la chercheuse. Résultat : les enfants qui ont reçu l’ensemencement, ont obtenu des scores significativement plus élevés et comparables à ceux des bébés nés par voie vaginale.
“Une meilleure motricité fine”
Les scientifiques se sont aperçus que les différences dans la composition du microbiote intestinal pouvaient influer sur le développement neurologique. “Par exemple, Bifidobacterium et Lactobacillus, présents dans les sécrétions vaginales, sont plus abondants chez les nourrissons ayant une meilleure motricité fine”, développe Lepeng Zhou. De leur côté, les Bacteroides, également contenues dans les sécrétions vaginales, pourraient inhiber une partie des troubles du spectre autistique (TSA). Des tests spécifiques, appelés analyses de co-occurrence, ont également montré que les taux élevés de Lactobacillus et de Bifidobacterium dans le groupe d’ensemencement vaginal, étaient corrélés avec l’amélioration globale du développement neurologique. Ces résultats suggèrent donc que l’ensemencement vaginal joue un rôle dans la formation du microbiote intestinal du nourrisson et influence aussi le développement neurologique.
Et ce n’est pas tout. “Des études basées sur l’être humain, et les animaux, ont montré que le microbiote intestinal joue un rôle crucial dans la santé, par le biais de la régulation immunitaire notamment”, ajoute la chercheuse. Par exemple, un des acides dérivés de Bifidobacterium (l’acide indole-3-lactique), a montré des effets bénéfiques sur l’immunité des nourrissons. D’autres recherches sont toutefois nécessaires pour déterminer l’efficacité à long terme de cette pratique.
“Ces résultats sont d’une grande importance car ils fournissent une base scientifique solide et la confiance nécessaire pour mener un essai clinique à plus grande échelle visant à déterminer les effets de l’ensemencement vaginal sur la réduction du risque de diverses maladies”, conclut Lepeng Zhou. L’équipe de scientifiques souhaite dores et déjà élargir leur échantillon pour déterminer si l’ensemencement vaginal a le potentiel de réduire le risque de troubles du développement neurologique chez les enfants.