En octobre 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) acte l’existence d’une « fatigue pandémique » individuelle, et rend un rapport d’une trentaine de pages formulant des pistes aux Etats pour « réinsuffler de la vigueur au public », qui doit faire face à de nombreuses contraintes.
Deux ans plus tard, la Fondation Jean Jaurès avance, dans un document intitulé « Grosse fatigue et épidémie de flemme », l’hypothèse d’une « fragilisation psychologique et mentale accrue depuis la crise sanitaire » en France. A l’appui, une enquête d’opinion annonçant que près d’un Français sur trois est moins motivé qu’avant dans ce qu’il fait au quotidien. Cela est encore plus vrai chez les 25-34 ans, parmi lesquels cette proportion atteint 40 %. En outre, après un effort physique, quatre Français sondés sur dix se disent plus fatigués qu’avant le confinement. La Fondation Jean Jaurès évoque un « effet de traîne » post-Covid. Qu’en est-il de ce lien ? Hors Covid-19, les statistiques d’arrêts maladie en 2022 (selon le baromètre de l’absentéisme Malakoff Humanis) placent les « troubles psychologiques » et « l’épuisement professionnel » à la deuxième place. C’est aussi le principal motif des arrêts longs (de plus de trente jours). Ceux-ci ont doublé entre 2020 et 2022.
Le 17 mai, le Fonds mondial de recherche contre le cancer publie une étude relevant que le manque de motivation (38 %) et la fatigue (35 %) sont les principales raisons empêchant les adultes britanniques de modifier leur régime alimentaire et d’être plus actifs physiquement. L’argument de la fatigue est mis en avant par près de la moitié des 24-35 ans.
Comment appréhender ces signaux ? Afin de mieux cerner la santé générale de la population dans le monde, l’OMS a annoncé, en 2017, l’objectif de modifier ses indicateurs en ajoutant aux taux de mortalité (nombre de personnes mourant d’une même maladie) et taux de morbidité (nombre de malades dans une population pendant une période donnée) le concept plus qualitatif de « fonctionnement humain ». Dans la définition de ce dernier figure la santé biologique d’une personne, mais aussi sa santé vécue, c’est-à-dire la nature de ses activités en interaction avec son environnement. Cet indicateur est pensé pour permettre d’appréhender le bien-être et des notions plus qualitatives. Un projet d’ampleur dont les conséquences scientifiques et organisationnelles sont détaillées dans l’étude « La révolution du fonctionnement humain : implications pour les systèmes et les sciences de la santé », publiée le 31 mai dans Frontiers.
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