Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°917-918, daté juillet-août 2023.
La trajectoire de réchauffement dite de référence pour la France, pour caler les politiques d’adaptation au changement climatique de tous les secteurs d’activité (agriculture, santé, etc.), est désormais fixée : elle aboutit à +4 °C en fin de siècle. Cette annonce a donné lieu à beaucoup de confusion dans la sphère médiatique, car ce chiffre fut parfois mis en regard avec les seuils de 1,5 ou 2 °C inscrits dans l’accord de Paris, et qui correspondent au niveau de réchauffement global, une cible qui permet de déterminer le budget carbone restant pour calibrer la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (atténuation). En revanche, le chiffre de +4 °C constitue une référence pour calculer les niveaux de risques auxquels la France doit se préparer (adaptation).
Décliner ces +4 °C en événements extrêmes
Cette trajectoire fixée à +4 °C en France est qualifiée à tort de “pessimiste”. Elle est plutôt réaliste, car elle correspond au scénario dit tendanciel, celui vers lequel nous engagent les politiques publiques implémentées aujourd’hui dans le monde. Pour calibrer les dispositifs d’adaptation et de gestion de risques associés, il faut décliner ces +4 °C en événements extrêmes. Car dans une telle France, chaque été a une probabilité de 10 % d’être au-dessus de +7 °C, et de 1 % d’être au-delà de +9 °C. Les étés de type 2022 et même 2003 sont de ce point de vue des étés froids.
Une France radicalement transformée
Une telle France est difficilement imaginable si on continue de la penser selon nos repères actuels, alors que nos paysages, agriculture, industrie, tourisme, modes de vie seront radicalement transformés. On ne mesure pas ce que signifient ces +4 °C pour la biodiversité terrestre et marine. N’oublions pas que la meilleure adaptation, c’est l’atténuation.
Par Céline Guivarch, directrice de recherche à l’École des ponts, auteure principale du 6e rapport du Giec, groupe 3. Et Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS, auteur principal du 6e rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), groupe 1.