Le muriqui du nord (Brachyteles hypoxanthus), primate vivant dans la forêt atlantique, le long du littoral brésilien, est une espèce en grand danger d’extinction. Elle était même placée sur la liste des 100 espèces les plus menacées au monde en 2012. Il ne resterait plus qu’un millier d’individus. Pour mieux comprendre comment se déroule leur reproduction, les chercheurs se sont servis des excréments de ces primates. Objectif : savoir comment les femelles choisissent leurs partenaires.
Une analyse ADN grâce à des déjections
Pour cela, les chercheurs ont fait appel à Karen Strier, professeure d’anthropologie à l’Université du Wisconsin-Madison qui a passé 40 ans à étudier le comportement de ces primates, dans une zone reculée et protégée de la forêt brésilienne. Cette expérience lui permet aujourd’hui d’identifier chaque individu. Karen Strier et son équipe sont également capables de déterminer à quel individu appartient quel excrément.
Ils ont décidé de prélever des déjections avant de les envoyer à un laboratoire d’Austin (Etats-Unis) afin d’y trouver des informations génétiques capables de renforcer la survie de l’espèce. En effet, ces échantillons peuvent être utilisés pour comparer les génomes des adultes s’étant reproduit ou non. Mais aussi pour déterminer qui est le père de chaque individu. De cette façon, les scientifiques peuvent récolter plusieurs informations : y a-t-il de la consanguinité dans le groupe ? Les individus ayant accès à la reproduction ont-ils un génome particulier ?
Le complexe majeur d’histocompatibilité, clé du succès reproducteur
Après analyse, il a été confirmé qu’il n’y avait pas de relations incestueuses : les mères ne se reproduisent pas avec leurs fils. Surtout, l’étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B, a découvert que les femelles préfèrent s’accoupler avec des mâles ayant un grand ensemble de gènes codant pour des molécules liées à la réponse immunitaire. Ces gènes forment le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Propre à chaque individu, il regroupe toutes les molécules impliquées dans la détection et la présentation des antigènes, ces molécules qui déclenchent une réponse du système immunitaire lorsqu’il les identifie. Les mâles dotés de cet avantage possèdent une meilleure capacité à résister aux maladies et aux changements climatiques. Ils peuvent alors être privilégiés par les femelles qui cherchent à avoir une portée saine.
“Les mâles avec une diversité de CMH plus importante pourraient contribuer à la transmission de meilleurs gènes pour les générations futures et devenir un critère de sélection pour les femelles“, détaille dans un communiqué le chercheur Anthony Di Fiore, co-auteur de l’étude. Cela permettrait également de renforcer la protection de leur progéniture face aux maladies et autres facteurs de stress. Ainsi, une femelle devrait choisir des mâles avec non seulement une grande diversité de CMH, mais également des CMH différents des siens. Cependant, si le premier critère semble respecter, le second ne paraît pas l’être.
“C’est la première étude qui observe une relation entre CMH et les comportements reproductifs chez une espèce égalitaire comme le muriqui“, explique Karen Strier. En effet les muriquis vivent en groupe sans véritable hiérarchie contrairement à la majorité des grands singes. Les chercheurs se penchent désormais vers des facteurs autres que le CMH qui influenceraient le choix des femelles et des mâles lors de la reproduction. L’ensemble de ces travaux pourrait permettre de mieux préserver l’espèce.