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Le gendarme de l’audiovisuel a mis en garde Sud Radio après que le physicien controversé François Gervais a tenu des propos climatosceptiques à l’antenne, en décembre 2023.
C’est un avertissement sans précédent. L’Arcom a adressé mardi 25 juin une « mise en garde » à Sud Radio pour un motif inédit : des propos climatosceptiques tenus à l’antenne. Le gendarme de l’audiovisuel français avait été saisi par le collectif Quota Climat, qui milite pour un meilleur traitement des enjeux écologiques dans les médias, après un passage du physicien controversé François Gervais dans l’émission de Sud Radio « Bercoff dans tous ses états », sur fond de COP28 à Dubaï.
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L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique indique avoir relevé lors de l’émission que « plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction ». Et avertit la station contre « la répétition de tels manquements ».
« C’est un bien, ce réchauffement »
L’Arcom n’a pas précisé quels étaient les passages mis en cause. Mais à l’antenne le 7 décembre 2023, l’auteur du livre « L’urgence climatique est un leurre » a multiplié les prises de positions climatosceptiques, allant jusqu’à dénoncer une « arnaque climatique ». La fonte des glaces ? Un problème mineur selon François Gervais. « Ce n’est pas ça qui va nous engloutir », assure-t-il alors.
Selon lui, le réchauffement climatique est même « un bien ». Il s’explique : « A la fin du règne de Louis XIV, il faisait froid, il y avait des mauvaises récoltes et le froid tue plus sûrement qu’un peu de chaleur », affirme-t-il au journaliste André Bercoff. S’il est vrai qu’en France, le froid cause pour l’heure davantage de morts que la chaleur, Santé publique France a montré que cette courbe avait tendance à s’inverser. « Le nombre de décès attribuables aux températures les plus chaudes a doublé depuis les années 1970 », indique l’agence dans une étude sur l’impact du climat sur la santé publiée en 2022. D’ici 2100, près des trois quarts de la population humaine mondiale pourraient par ailleurs être exposés à des conditions climatiques mortelles, indique le Giec dans son dernier rapport.
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Toujours à l’antenne, François Gervais insinue que le réchauffement climatique n’est pas imputable aux activités humaines. « Tous les à peu près 100 000 ans, il y a une période très froide suivie d’une période plus chaude. Nous sommes au sommet de la période plus chaude. Il faut s’en féliciter », lance-t-il. Là encore, les experts du Giec sont formels. Le réchauffement climatique est non seulement incontestable mais la responsabilité de l’homme dans l’augmentation des températures l’est tout autant. Les activités humaines ont, « sans équivoque », provoqué le réchauffement de la planète, à un rythme toujours plus soutenu. Depuis 1970, la température a augmenté « plus rapidement » qu’au cours de toute autre période de 50 ans sur les 2 000 dernières années, relève ainsi le Giec.
Un progrès ?
Contacté par « Libération », Frédéric Jouve, directeur des programmes et du digital de Sud Radio, rappelle que son antenne consacre « beaucoup de temps aux problématiques du dérèglement climatique », citant par exemple l’émission « Les vraies voix écoresponsables » ou la chronique « Comment va la planète ? ». Interrogé de son côté par le média Novethic, le directeur général de Sud Radio, Patrick Roger s’est cependant défendu en indiquant que, « s’il peut y avoir des contestations », il espère ne pas assister à « une interdiction de la parole sur certains sujets ». « La vérité d’aujourd’hui n’est pas toujours celle de demain, qui n’était pas celle d’hier », a-t-il soutenu.
Cette décision du gendarme de l’audiovisuel présage-t-elle d’un progrès du traitement médiatique de l’urgence climatique ? L’association Quota Climat s’en est en tout cas félicitée sur LinkedIn. Elle explique voir dans cette décision « une première étape indispensable pour réguler la qualité de l’information environnementale dans l’audiovisuel français ». « Aujourd’hui, nous l’avons franchie ! »
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Le collectif rappelle tout de même les nombreux efforts encore à réaliser pour accorder la place que méritent le réchauffement climatique et les enjeux environnementaux dans les médias, qui ont quasiment totalement disparu des JT de TF1 et de France 2 au mois de juin.
En ce qui concerne Sud Radio, si la désinformation climatique venait à se répéter, elle s’exposerait à une mise en demeure, puis à une sanction financière.