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Décryptage Certaines zones de la planète abritent une forte concentration d’espèces menacées, faune et flore confondues. Elles sont à protéger en priorité selon une nouvelle étude.
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Après les dinosaures, les léopards des neiges et les orchidées vont-ils aussi disparaître ? C’est le risque, si une sixième extinction de masse devait survenir. Au cours des derniers 500 millions d’années, notre planète en a déjà connu cinq. La dernière, survenue il y a environ 66 millions d’années, a entraîné la fin des derniers dinosaures ayant peuplé la Terre. A l’époque, un épisode volcanique majeur dans l’actuelle Inde, couplé à la chute d’un astéroïde au Mexique, ont impacté toute la planète. Cette fois, nous risquons une nouvelle extinction de masse mais uniquement due, cette fois, à l’action de l’Homme. Pour l’éviter, une étude a identifié les zones à protéger en priorité. Selon ces calculs, il suffirait de préserver 1,2 % de la surface de la planète pour éviter la disparition de nombreuses espèces.
Les tropiques, zone cruciale
« La plupart des espèces sur Terre sont rares et très concentrées », explique le Dr Eric Dinerstein, de l’OGN Resolve et directeur de l’étude publiée dans Frontiers in Science. Pour trouver où les espèces sont localisées, l’équipe de scientifiques a commencé par établir une carte du monde. En combinant les aires de biodiversité, les aires déjà protégées et les images satellites d’habitats restants, ils ont pu identifier les zones où se regroupent les espèces rares et menacées.
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En tout, 16 825 sites, recouvrant environ 164 millions d’hectares. « La grande majorité de ces zones se trouve au niveau des tropiques. Cinq pays concentrent plus de la moitié de ces sites : le Brésil, les Philippines, l’Indonésie, Madagascar et la Colombie », explique Eric Dinerstein. Ces sites prioritaires abritent en tout 4 700 espèces menacées : mammifères, oiseaux, amphibiens et plantes confondus. Des macaques des îles Sulawesi (Indonésie) au bœuf Tamarau des Philippines, du léopard des neiges aux orchidées, des plantes carnivores (sarracénie pourpre) en Inde, à la gallicolombe poignardée des Philippines, en passant par les oiseaux tropicaux (grisin de Gentry) du Brésil…
Mais maintenant que ces zones cruciales ont été identifiées, que faut-il mettre en place concrètement pour y garantir l’intégrité de la biodiversité ? « Il y a toute une panoplie de mesures à prendre, qui vont des réserves naturelles strictes, sans aucune intervention humaine, à des réserves entretenues par les communautés locales, aux réserves situées dans les territoires des populations indigènes. » 38 % de ces sites se trouvent déjà à proximité d’aires protégées, ce qui les rend d’autant plus faciles à préserver en étendant celles déjà existantes.
Une fraction de ce qui est dépensé « pour endommager la planète »
Ces mesures ont un coût que l’équipe a pu chiffrer. Il faudrait environ 34 milliards de dollars (soir 31,6 milliards d’euros) par an pour les cinq prochaines années. Cela correspond à moins de 2 % du PIB des Etats-Unis et moins de 9 % des subventions annuelles mondiales destinées au secteur des fossiles, soulignent les auteurs. « Le coût ne représente qu’une fraction de ce que les gouvernements dépensent pour des activités qui endommagent la planète comme le pétrole, le gaz ou le charbon. Cela ne devrait pas être si compliqué d’ajuster un peu cet équilibre », constate Eric Dinerstein.
Si elle survient, cette nouvelle extinction de masse pourrait commencer doucement, avec un nombre toujours plus important d’espèces en voie de disparition. « Avant de disparaître complètement, ces espèces peuvent parfois subsister en nombre très restreint avant d’être “totalement disparue”. Le but, c’est donc de limiter au maximum le nombre d’animaux sur la liste rouge des espèces menacées. »
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Mais attention à ne pas crier victoire trop tôt. Si protéger ce 1,2 % de la planète est crucial pour de nombreuses espèces en danger extrême et éviter une nouvelle extinction de masse, cette protection seule n’empêchera pas la biodiversité de se dégrader peu à peu prévient l’étude. Pour maintenir la biodiversité telle qu’elle est aujourd’hui, il faudrait protéger la moitié de la planète selon les précédents travaux publiés en 2020 dans « Science ». En 2022, 195 Etats se sont engagés à protéger 30 % de la planète d’ici à 2030 lors de la COP15. Or pour le moment, seuls 15,7 % sont des aires protégées.
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