A en juger par les performances mitigées des joueurs de tennis tricolores ces dernières décennies, difficile de croire qu’un Anglais ait un jour prétendu, au sujet des Français, de tous les Français : « Vous pourriez penser qu’ils sont nés une raquette à la main. » La formule se trouve bel et bien dans The View of Fraunce, ouvrage paru en 1604 à Londres, dans lequel le voyageur, professeur et auteur Robert Dallington dresse un portrait peu amène du royaume d’Henri IV, qu’il a visité en 1598.
« Quant à l’exercice du jeu de paume, écrit-il juste avant, il est plus répandu ici que dans toute la chrétienté, ce dont témoigne le nombre infini de terrains de jeu dans tout le pays, à tel point qu’il n’y a pas une seule bourgade ou ville en France qui n’en ait un ou plusieurs. Il y en a (…) soixante à Orléans et je ne sais combien de centaines à Paris ; mais je suis sûr que s’il y avait la même proportion dans les autres villes, vous auriez deux terrains de paume pour chaque église de France. » Et Robert Dallington de conclure : « Il y a plus de joueurs de paume en France que de buveurs de bière ou d’ivrognes » en Angleterre, ce qui n’est pas peu dire.
Exagération ? Sans doute, mais, comme le signale Guillaume Roquefort, archéologue au sein de l’association Patrimoniae, lors de l’apogée du jeu de paume en France, au XVIe siècle, « Paris compte 250 salles de jeu de paume couvertes. Cela fait vivre 7 000 personnes qui gravitent autour du jeu ». Jean-Yves Dufour, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) – qui a dirigé l’ouvrage collectif Archéologie et histoire des jeux de paume en France (CNRS Editions, Inrap, 424 pages, 49 euros) –, détaille ce microcosme : « Maîtres-paumiers, marqueurs, valets, gardiens, fabricants de raquettes et de balles, fournisseurs de linge, de boissons, de chandelles, etc. »
Qu’il soit pratiqué avec la paume de la main, un gant, un battoir, une raquette, sur un terrain ouvert, en salle, ou même, comme c’est le cas pour les plus modestes, dans la rue, ce jeu est incontestablement une passion française entre le XVe et le XVIIe siècle. Tout le monde s’y adonne : vilains et nobles, laïcs et clercs, hommes et femmes – Margot la Hennuyère est entrée dans l’histoire au XVe siècle pour avoir surpassé les meilleurs joueurs masculins de son temps – et y compris les rois. François Ier, Henri II, Charles IX, Henri IV, Louis XIII en étaient férus.
Même si le tennis – dont le nom vient de l’exclamation « Tenez ! » que criait le serveur – et son curieux décompte des points en sont dérivés, la paume a des règles et une philosophie bien différentes du sport qui figure au menu des Jeux olympiques de Paris 2024. « Le jeu de paume reprend le même principe que l’attaque et la défense d’une place forte, expose Guillaume Roquefort. Au tennis où tout est symétrique, là, il y a un assaillant et un assailli, avec des cibles à atteindre, et une dialectique très militaire. Les rois s’approprient ce jeu parce qu’il reprend les codes de la guerre. »
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