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Interview Malgré un été marqué par une météo moins chaude que les précédentes années, l’émergence d’incendies perdure. Pour le « Nouvel Obs », le climatologue Davide Faranda pointe du doigt plusieurs facteurs.
Trois incendies en trois jours. Ce mardi 20 août, un feu s’est déclaré à une dizaine kilomètres au nord de Perpignan (Pyrénées-Orientales). La veille, deux hectares de végétations ont brûlé dans le même département, près du camping le Mar Estang, où 3 000 personnes ont dû être évacuées. Dimanche, la propagation d’un feu de forêt dans l’Hérault, a mobilisé plus de 600 pompiers.
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Si notre planète connaît un été particulièrement caniculaire, la France semble être épargnée par une saison estivale sèche et suffocante. Une apparence pourtant trompeuse. Pour « le Nouvel Obs », Davide Faranda, directeur de recherche en climatologie au CNRS, analyse l’émergence des incendies malgré un été marqué par des périodes de pluie et de grisaille.
Y a-t-il davantage d’incendies en France cet été en comparaison avec années précédentes ?
Davide Faranda. C’est encore tôt pour faire un bilan. Jusqu’ici, il y a eu moins de feux que certaines années, mais ils augmentent considérablement ces derniers jours. Cet été, on a eu des conditions un peu plus humides sur tout le territoire français. Il y a eu des épisodes de pluie et de pics de chaleurs ponctuels, sans atteindre des records. Mais si notre impression tend vers un été frais, comparé aux étés des dernières années, il reste au-dessus des normales de saison. L’indicateur thermique national, calculé par Météo France, prévoit une température autour de 21,5 degrés entre le 19 juillet et le 17 août. En 2024, on était entre 23 et 25 degrés.
La grisaille nous trompe. Les nuages et la pluie ont certes empêché de faire monter la température à des niveaux records, mais c’est aussi un effet du changement climatique. Cette année, l’océan Atlantique et la mer Méditerranée sont particulièrement chauds. Les vents qui y proviennent poussent cette chaleur sur le continent européen, forment des nuages et précipitations qui nous ont accompagnés cet été.
Qu’est-ce qui explique l’émergence et la propagation d’incendies ?
Entre 7 et 9 feux sur 10 sont d’origine humaine. Ce n’est pas toujours volontaire, cela peut être la cigarette qu’on a mal éteinte, des problèmes de tension de lignes électriques… Les incendies ont souvent lieu dans le Sud en été parce que la population y est très présente. Beaucoup s’y rendent en vacances et ne sont pas sensibilisés aux risques et font moins attention à leur comportement.
Ces incendies ont souvent lieu dans le sud du pays également pour des raisons naturelles. Il y pleut moins, et ce sont des territoires plus vallonnés, qui rendent les interventions des pompiers difficiles. Un incendie est très facile à éteindre dans les 30 premières secondes, difficile après une minute, et presque impossible une fois qu’il s’est propagé.
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L’activité humaine reste la première cause d’incendies. Mais ce qui est certain, c’est que le dérèglement climatique augmente les risques et la propagation des feux, en particulier avec les conditions de chaleurs et de sécheresse. Même si le printemps est humide, la sécheresse des étés passés, les fortes pluies, les températures élevées… Tout ceci fragilise la végétation, qui se retrouve avec une mortalité plus importante et une résilience moins propice à résister au départ des feux.
Les départs de feu qu’on a eu les jours précédents sont intervenus avec un vent qui va du nord vers le sud, donc habituellement plutôt frais. Mais à cause du réchauffement climatique, ces vents qui initialement soulageaient la végétation, sont désormais secs et favorables à la propagation du feu. C’est une composante inédite qui intervient à cause du dérèglement climatique.
Quelles sont les conséquences de ces incendies ?
Les incendies sont un mécanisme naturel que la planète a toujours eu. Le problème, c’est que ces feux sont tellement accentués par le dérèglement climatique qu’ils sont capables de brûler des écosystèmes entiers. En Grèce ou en Sicile, 30 % voire 40 % de certaines régions ont brûlé. Les animaux perdent leur habitat et sont forcés à se déplacer. Cela entraîne des conséquences sur l’agriculture, car même si le champ reste à l’abri des flammes, si la forêt d’à côté a brûlé, elle n’abrite plus de nombreux insectes pollinisateurs.
Les incendies fragilisent aussi les reliefs. Si la végétation ne se régénère pas, qu’il n’y a pas de racines, les glissements de terrain deviennent plus probables. Cela met en danger les propriétés qui se trouvent dans ces régions. La population encourt aussi un risque de bronchite si elle est trop proche des zones de feu. Ces flammes sont des émissions directes de gaz à effet de serre (GES). Elles qui détruisent par ailleurs des puits de CO2, capables d’absorber ces GES.
Les conséquences sont nombreuses et importantes. C’est important d’avoir les bons réflexes quand on est en forêt, pour éviter l’émergence et la propagation d’incendies, et d’ainsi respecter l’écosystème.